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La place de la génomique dans la médecine de demain

La place de la génomique dans la médecine de demain

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Définition

La génomique est un domaine de la biologie qui consiste en l’étude du génome (l’information génétique) complet d’un organisme. Son objectif est de lire l’intégralité de cette information puis de la décoder pour en percer ses fonctionnements. Elle est appliquée en microbiologie pour comprendre par exemple la pathogénicité d’une souche ou en agronomie dans le cadre de l’amélioration des espèces domestiquées. Chez l’Humain, il existe de nombreuses applications tant en médecine, en histoire, en sciences humaines ou encore dans le domaine de la justice.

Les applications médicales

En médecine, la génomique permet d’apporter de nouvelles solutions à deux types de besoin : le diagnostic et la prévention. Aujourd’hui la majorité des analyses médicales sont basées sur une identification de caractères exprimés (eg. la numération sanguine, la caractérisation d’un tissu par microscope, etc.). La principale limite de cette approche est qu’il faut attendre que la maladie atteigne un certain stade d’évolution pour pouvoir observer ces changements. La génomique et la génétique offrent la possibilité de réaliser un diagnostic précoce en identifiant les prémices d’une maladie.

Deuxièmement, la caractérisation génétique de tissu humain malade permet également de savoir si un traitement médical sera efficace ou non. Il s’agit de la médecine personnalisée qui est actuellement utilisée en oncologie pour améliorer l’efficacité d’un protocole et diminuer les effets secondaires.

Enfin la génomique peut aussi répondre à des problématiques plus larges de santé publique dans ces applications de prévention. La connaissance du génome complet d’un individu permet d’estimer la prédisposition de cette personne à développer ou transmettre certaines maladies. Amené à la population de notre pays, cela permettrait d’estimer les risques et d’anticiper sur les moyens nécessaires à déployer pour y faire face. Le patient, accompagné par l’avis d’un spécialiste en génétique, pourrait influer sur son style de vie pour minimiser les risques de développer certaines maladies. Car en effet, la génétique ne permet d’expliquer au maximum que 50% du devenir d’un individu, le reste dépend (1) de facteurs environnementaux et (2) du récent domaine de la biologie : l’épigénétique.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple d’Angélina Jolie qui a appris, suite à des analyses génétiques, qu’elle présentait un risque élevé de cancer du sein. Avoir pris la décision de réaliser une mastectomie me paraît un peu extrême. Le cancer est un processus de dégénérescence cellulaire multi-étapes : c’est l’accumulation de mutations sur certains gènes qui va progressivement induire la formation de cellules cancéreuses. Ces mutations peuvent être endogènes (héréditaires comme dans le cas de Mme Jolie), exogènes (provoquées par un élément extérieur comme la radioactivité) ou hasardeuses : en effet la molécule responsable de la réplication de l’ADN n’est pas parfaite et va au cours de notre vie faire des erreurs. Mettons qu’il faille 10 mutations sur le génome pour être malade, qu’un individu normal ait 0 à 2 mutations héréditaires et que Mme Jolie en ait 5. Statistiquement, elle fait bien partie de la population à risque mais il faut qu’au cours de son histoire personnelle, elle accumule encore 5 mutations pour être malade (et au niveau des cellules des glandes mammaires). Elle a donc une marge non négligeable sur laquelle elle a en partie les moyens d’influer.

Le cancer est une maladie normale du vieillissement d’un organisme. En moyenne, vous développerez trois polypes au cours de votre vie qui seront probablement asymptomatiques. Avoir cette information sur les risques potentiellement peut permettre d’anticiper : renforcer un suivi médical, éviter les facteurs environnementaux aggravants, favoriser ceux protecteurs.

Quelles stratégies ?

Pour étudier le génome d’un organisme, il y a plusieurs solutions. La plus évidente est de réaliser un séquençage complet du génome pour accéder à l’intégralité de l’information génétique. C’est la stratégie de prédilection de la recherche fondamentale qui nécessite une exhaustivité totale. Mais dans le cadre d’une application médicale, ce n’est pas forcément la meilleure approche. Premièrement, notre génome ne contient pas que de l’information utile (pour notre propos) :

Deuxièmement, nos connaissances sont encore limitées : seuls certains gènes ont été associés à une ou des maladies et beaucoup d’éléments nous échappent encore.

Une approche par force brute (c’est à dire le séquençage complet) ne semble pas appropriée et créera plus de questions que de réponses. En outre, elle génère également d’autres problèmes d’ordre logistique. Le génome humain fait environ 3,5 Gb et il faut en moyenne séquencer entre 20 et 30 fois un génome pour pouvoir le reconstruire (soit 70 à 100 Gb). La reconstruction du génome produit aussi des données complémentaires qu’il faut également stocker. La masse de données devient très vite titanesque. Surtout qu’un patient peut avoir plusieurs prélèvements à analyser. Hormis l’espace, il y a la saturation du réseau de communication interne à prévoir pour transmettre les informations des séquenceurs vers les serveurs de calculs et de stockage.

L’autre possibilité est de cibler les zones d’intérêts (marqueurs) clairement identifiés dans les travaux scientifiques et de multiplier le séquençage de ces marqueurs dans une même expérience (le multiplexage). L’un des atouts de cette stratégie réside dans sa flexibilité : flexibilité de matériels (séquenceur de paillasse ou séquenceur haut-débit), flexibilité de ciblage (panel de marqueurs selon la problématique médicale et le champ légal) et flexibilité de coût. La répartition des centres d’expertises est ainsi facilitée aux laboratoires existants, au contraire du séquençage complet, qui nécessite le recours de plateformes de séquençage. En outre, le médecin peut choisir les marqueurs à analyser selon son besoin, sans avoir la responsabilité des conséquences d’une analyse complète.

En oncologie, on caractérise une tumeur cancéreuse en fonction de critères appelés hallmarks :

Chacun de ces critères est lié à un ensemble de gènes et c’est l’analyse de leur dérégulation qui permet d’associer très précocement un prélèvement à la présence d’une tumeur et son degré d’évolution. Dans ce cas, il ne s’agit pas à proprement parler de génomique mais plus de transcriptomique (analyse de l’expression du génome). L’oncologue pourra ainsi focaliser son analyse sur un panel de marqueurs liés aux hallmarks qu’il jugera intéressant.

Conclusion

La génomique est un fabuleux outil qui ouvre de nouvelles perspectives en médecine. Cependant à l’heure actuelle, l’utilité d’un séquençage complet chez l’Humain ne semble pas être justifié pour une application médicale :

En outre, il peut générer des blocages d’ordres éthique et légal car l’accès à la totalité du génome est source de conflits au sein de la classe politique. Le séquençage ciblé offre quant à lui une alternative adaptée aux enjeux médicaux et à notre société ainsi qu’une souplesse dans son déploiement et son usage.