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Génome coeur et accessoire

Génome cœur et génome accessoire

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Un organisme vivant, qu’il soit unicellaire, pluricellulaire ou viral, possède au sein de ses cellules ou de sa capside des molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN) ou d’acide ribonucléique (ARN). Ces molécules sont le support de l’information génétique. Elles contiennent deux grands types de régions : les gènes, qui codent pour une ou plusieurs protéines, et les régions intergéniques, qui jouent un rôle prépondérant dans les mécanismes de régulation et d’évolution. L’ensemble des ces données correspond au génome d’un organisme.

Le génome est donc un ensemble de mots de tailles variables (de quelques lettres à plusieurs milliards). Il est composé de 4 lettres différentes : A, C, T et G associées aux bases azotées Adénine, Cytosine, Thymine et Guanine. D’un point de vue sémantique, on utilise le terme séquence pour mot et le terme base (ou paire de bases dans le cadre de génome diploïde) pour lettre.

L’analyse phylogénétique des génomes appartenant à des organismes de la même espèce a permis d’identifier des zones constantes, retrouvées au sein de tous les organismes de l’espèce, et des zones inconstantes, caractéristiques d’une population voire d’une souche. Les zones constantes (qui ne sont pas forcément contigües) forment le génome cœur tandis que les zones inconstantes forment le génome accessoire. Le génome cœur est principalement localisé au niveau des chromosomes. Le génome accessoire se trouve quand à lui au niveau de structures autonomes comme les plasmides, les virus intégrés ou les transposons composites.

Il est donc attendu que le génome cœur d’une espèce soit différent d’une autre. Néanmoins, l’analyse à grande échelle des génomes disponibles a également montré des incohérences entre des groupes taxonomiques et cette information génétique. Par exemple, les organismes des espèces du genre Escherichia et Shigella, ont le même génome cœur. La différence entre ces deux genres résident uniquement au niveau du génome accessoire, avec la présence de gènes de virulence caractéristiques des Shigella. Les mêmes observations sont constatées avec les espèces constituant le groupe d’espèces Bacillus cereus. L’espèce Bacillus anthracis, agent étiologique de l’anthrax, se différencie par la présence de deux plasmides de virulence, indispensable au caractère pathogène. Certains organismes de l’espèce Bacillus cereus peuvent d’ailleurs acquérir l’un des deux plasmides et entrainer l’apparition de symptômes rappelant l’anthrax avec un degré modéré. Ces cas ont été observés chez des singes et les bactéries ont été qualifiées à mauvais titre comme appartenant à une nouvelle espèce : Bacillus pseudoanthracis. Il est plus juste de considérer l’ensemble de organismes du groupe d’espèce Bacillus cereus comme appartenant à une espèce, elle-même composée de plusieurs populations : anthracis, cereus, thuriengiensis, etc.

Ces exemples posent le problème récurrent dans la discipline de la biologie de la définition de l’espèce. Définir un taxon par rapport à un autre en fonction de l’absence d’un caractère est une erreur largement répandue et contestée. Pendant des décennies, les bactéries ont été définies comme un ensemble d’organismes dépourvus de noyau cellulaire (en opposition aux eucaryotes). Les analyses génétiques (réalisées sur le gène de l’ARN ribosomique 16S et 18S) ont permis de montrer qu’il existait en réalité deux groupes monophylétiques (partageant un ancêtre commun) au sein des procaryotes. Aujourd’hui, on distingue trois domaines : les Eucaryotes, les Bactéries et les Archaea avec chacun un ensemble de caractères spécifiques (noyau, paroi, cholestérol, etc.). Chez les pluricellulaires, le cas des reptiles est également célèbre. Ils ont été regroupés car ils ne sont ni des mammifères ni des oiseaux (absence de poils, de plumes, d’homéothermie). En réalité, les tortues ou les crocodiles appartiennent à des groupes distincts et les oiseaux sont les ancêtres des dinosaures.

Dans l’industrie de la fermentation microbienne, la connaissance du génome accessoire d’une espèce d’intérêt est un réel atout dans la maitrise du processus et son amélioration. Il est ainsi possible de valoriser des souches ayant la faculté de produire certaines molécules organoleptiques ou d’étudier les différences avec la concurrence, afin d’établir une stratégie de segmentation réussie.